• Pas de régime dérogatoire en droit de la concurrence pour la presse

    On le savait déjà : la presse, bien que protégée par la loi de 1881, n'est pas exclue du champ d'application du droit matériel de la concurrence. Il y a bien longtemps que le Conseil de la concurrence (déc. n° 92-D-43) a décidé que : 

     

    "si aux termes d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 octobre 1983, repris dans un arrêt de la même chambre en date du 24 janvier 1984, 'les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu'elles posent le principe de la liberté de la presse et celui de la responsibilité pénale du directeur de la publication d'un journal ou écrit périodique quelle que soit la nature de l'article publié, ont pour effet de légitimer, au regard de l'article 37 (1°, a) de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, un refus d'insertion même non motivé', il ne résulte pas de cette jurisprudence que les entreprises de presse échappent à la prohibition visant les pratiques définies aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en conséquence, la demande formée par la société Pluri-Publi est recevable, même si elle n'est pas dirigée contre le directeur de la publication de chaque support qu'elle met en cause".

    L'acception très compréhensive de la notion d'entreprise et de celle d'activité économique fait que très peu d'activité échappe au droit de la concurrence. 

    La question des enquêtes est toutefois différente : dans le cadre d'une enquête de concurrence, peut-on perquisitionner une entreprise de presse sans porter atteinte aux principes fondamentaux du métier, liberté de la presse et confidentialité des sources ? La réponse est heureusement positive. La visite et les saisies dans la procédure concurrentielle ne portent pas sur les sources des journalistes ; mais il est vrai que, comme pour la question de la sécabilité des messageries électroniques (cf. Cass. crim, 11 janv. 2012), les enquêteurs peuvent "tomber" sur ces données dans le cadre de leur perquisition. La Cour d'appel de Paris le 17 juin 2010 s'était laissée séduire par la démonstration d'une entreprise de presse et avait retenu :

     

    "un Etat de droit s'honore, pour reprendre une expression avancée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni, point 45) à faire pencher la balance des intérêts en présence en faveur de celui de la défense de la liberté de la presse dans une société démocratique ; que le droit reconnu à un journaliste de ne pas révéler l'origine de ses informations, corollaire de la liberté de la presse issu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, impose la plus grande circonspection de la part du juge amené à autoriser des opérations de visite et saisie dans une entreprise de presse ; que le législateur national impose aussi depuis de nombreuses années, dans l'article 56-2 du code de procédure pénale, qu'une visite ou perquisition ne puisse porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste"

    Partant, la Cour d'appel avait considéré que le JDL aurait du se fonder sur des présomptions d'autant plus précises, graves et concordantes qu'il s'agit d'autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux d'entreprises de presse. 

    L'arrêt est cassé par la Cour de cassation, Chambre criminelle, le 11 janvier 2012 : 

     

    "Attendu qu’il résulte de ce texte qu’après avoir vérifié que la demande qui lui est soumise est fondée, le juge des libertés et de la détention peut autoriser des opérations de visite et saisie dans toute entreprise, quelle que soit son activité

    Attendu que le juge des libertés et de la détention a autorisé le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence à faire procéder à des opérations de visite et saisie dans les locaux de différentes sociétés du groupe Amaury, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la presse quotidienne sportive ; 

    Attendu que, pour infirmer cette décision, l’ordonnance attaquée énonce que les présomptions doivent être d’autant plus précises, graves et concordantes, qu’il s’agit d’autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux d’entreprises de presse, les perquisitions dans ces lieux étant en outre soumises aux exigences de l’article 56-2 du code de procédure pénale ; qu’après avoir analysé les indices recueillis, le juge en déduit que l’Autorité de la concurrence n’a pas rapporté la preuve d’un faisceau de présomptions suffisant pour justifier une visite dans les locaux de presse ; qu’il ajoute que la mesure autorisée n’apparaît pas proportionnée à l’atteinte aux libertés qu’elle implique ;

    Mais attendu qu’en statuant ainsi, le juge a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas".


    Les visites et saisies dans les entreprises de presse doivent ainsi suivre le droit procédural commun.

     

    LA

     

     

     

     

     

     

     

     


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