• Imputabilité de l'infraction concurrentielle : une lueur d'espoir !

    L'arrêt rendu par le TPIUE le 16 juin 2011 (aff. jtes T-208/09 et T-209/09, Grosselin Group) soulagera bien des sociétés mères et leur conseil. En effet, le Tribunal de première instance exige de la Commission européenne une motivation un peu plus fournie lorsqu'elle rejette les arguments d'une société mère cherchant à démontrer l'autonomie économique de sa filiale détenue à 100 %.

     

    La jurisprudence communautaire - rejoint par l'ADLC (décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la restauration de monuments historiques) - présume l'influence déterminante de la société mère sur sa filiale détenue à 100 % (ou presque). Partant, l'infraction concurrentielle commise formellement par la filiale est imputée à la société mère. Cette présomption est dite simple ; mais en pratique, elle s'avère irréfragable (Cf. Linda Arcelin-Lécuyer, La responsabilité de la société mère du fait des agissements de sa filiale : une présomption devenue irréfragable, Atelier DGCCRF, 30 mars 2010, Rev. Concurrence Consommation). Les sociétés mère n'arrivent jamais à renverser cette présomption.

     

    Cependant, on observe depuis quelques temps une évolution dans le sens d'une prise en compte plus légitime des droits de la défense (en particulier sur la présomption d'innocence).

     

    Ainsi peut-on citer les conclusions de l'avocat général Bot dans l'affaire ArcelorMittal Luxembourg SA (aff. jtes C-201/09 P et C-216/09 P, 26 octobre 2010). La jurisprudence Akzo Nobel de septembre 2009 avait jugé que face à une société mère détenant 100 % du capital social de la filiale contrevenante, la Commission pouvait présumer l'influence déterminante de la première sur la seconde sans autres éléments de preuve. Or, si cette présomption est réfragable, Yves Bot consent que "'il semble que ladite présomption soit très difficile à réfuter". Et l'avocat général de poursuivre "nous pensons que la présomption en cause doit, dans chaque cas, être corroborée par d'autres éléments de fait prouvant l'exercice d'une influence déterminante de la société mère sur sa filiale. Cela permettrait d'éviter une démarche qui tenderait, de façon automatique, à fonder la responsabilité des sociétés mères sur la seule base de la détention du capital. Cela encouragerait les autorités de poursuites à procéder, dans chaque cas, à une appréciation nuancée des liens économiques, juridiques et organisationnels unissant la société mère à sa filiale. Dans le cas d'une filiale détenue à 100 %, la charge de la preuve incombant à la Commission devrait effectivement être moins lourde que celle lui incombant dans le cas d'une filiale détenue à 70 %, mais elle ne devrait pas être inexistante".

     

    Le TPIUE apporte sa voix à cette évolution. Dans l'affaire Grosselin, il retient deux points qui méritent l'attention :

     

    - tout d'abord, une société mère n'est pas forcément une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence car elle n'exerce pas automatiquement d'activité économique. Partant, il est impossible de l'englober au sein d'une unité économique qu'elle formerait avec la filiale : "une société mère d'une entreprise qui a commis une infraction à l'article 81 TUE ne peut être sanctionnée par une décision d'application de l'article 81 si elle n'est pas une entreprise elle-même".

     

    - Ensuite la société mère a réussi à renverser la présomption d'influence déterminante en démontrant, en substance, qu'elle n'avait en fait pas tenu d'assemblée permettant de voter des directives sur la filiale.

     

    Cette brèche ouverte est rassurante : si elle reste limitée à des circonstances bien particulières, elle montre que la présomption se rapproche d'une réfragabilité effective.

     

    Linda Arcelin

     


     

     

     

     

    Cette proposition renforcerait, si ce n'est reconnaitrait, les droits de la défense (présomption d'innocence).

      


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